Jérémie souffrait d’épilepsie nocturne depuis l’âge de 13 ans. Une nuit par mois environ, il faisait une grosse crise. Lorsqu’il était plongé dans un sommeil profond, il criait, convulsait et perdait connaissance. Et puis, ça passait…
Dans son rapport, le coroner a noté que mon garçon avait manqué d’air et avait eu une lésion pulmonaire. Jérémie ne serait pas mort d’épilepsie ? Entendre cela m’a mise dans une immense colère. Ces professionnels jouent sur les mots.
Pour moi, il n’y a qu’une chose vraie : sans épilepsie, Jérémie ne se serait pas étouffé dans son oreiller ! Sans l’épilepsie, il serait encore vivant.
J’estime que Jérémie est mort, entre autres, parce que certains professionnels de la santé ont « banalisé » sa maladie. L’information transmise par les différentes ressources (cliniques médicales, CLSC, écoles…) a été inadéquate et insuffisante, selon moi.
Il existe des associations pour les gens aux prises avec l’épilepsie. Cependant, elles ne sont pas suffisamment « actives » dans la sensibilisation du public. Aussi, elles transmettent peu de renseignements à ceux et celles qui viennent de recevoir un diagnostic. Ma famille s’est sentie si isolée et démunie par le manque de ressources des CLSC, des écoles, des équipes médicales…
Une inquiétude constante
Du vivant de mon fils, toutes les nuits, j’avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Imaginez ne pas savoir quand sera la prochaine crise, ni comment elle se déroulera… Les parents veulent toujours être là pour aider leurs enfants. C’est donc avec cette inquiétude que mon conjoint et moi vivions notre quotidien.
Depuis le départ de Jérémie, je mène une mission : mieux faire connaître l’épilepsie. Je frappe à toutes les portes pour raconter l’histoire de Jérémie. Le but de ma croisade est de faire changer la vision et la compréhension de cette maladie au sein de la population. Même moi, maman d’un épileptique, j’avais cette vieille représentation de ce mal : les gens font une crise, ils convulsent et hop, la vie reprend son cours. Quelle erreur !
Je travaille en tant que technicienne en éducation spécialisée alors je connais bien le milieu de l’éducation. J’ai œuvré auprès de différentes clientèles, ce qui m’a permis de connaître les services offerts dans les écoles – aux élèves comme aux parents.
La question de la santé mentale y est aujourd’hui davantage abordée et c’est tant mieux. Et encore plus depuis le début de la pandémie. En revanche, l’épilepsie reste dans l’ombre. Les jeunes et les adultes ne savent pas vraiment ce qu’est cette maladie.
Récemment, une publicité à la télé m’a frappée : un narrateur énonçait à voix haute ses peurs : « pourrais-je conduire une automobile, continuer mes études, trouver du travail, avoir des amis ? ». Cela aurait tout aussi bien en être une pour l’épilepsie car, voyez-vous, ce sont ces questions-là qui « roulaient » au quotidien dans la tête de mon fils… et dans la mienne.
Mieux connaître l’épilepsie
Je crois qu’il faut parler de Jérémie et des 260 000 personnes épileptiques qui vivent au pays. Et qui sait, peut-être, y aura-t-il un jour une annonce publicitaire qui traitera de ce problème de santé ? Cela aiderait tellement à le démystifier. Par exemple, le taux de mortalité est de 2 à 3 fois plus élevé chez les personnes atteintes d’épilepsie que dans le reste de la population.
Il faut que l’épilepsie cesse d’être « cette grande inconnue ». Parlons-en parce que c’est une maladie difficile à accepter, surtout quand on est jeune. C’est quelque chose que tu vas avoir toute ta vie, pour lequel tu vas être médicamenté pour toujours.
Un jeune pourrait vouloir nier ça. C’est ce qui s’est passé avec mon garçon. Son estime de soi était au plancher. Il refusait d’en parler à ses amis de peur d’être rejeté et incompris. C’était un « tabou ». Sa maladie affectait aussi sa mémoire, sa capacité de concentration et son autonomie comme dans le cas de ceux qui sont atteints de TDA ou TDAH.
Jérémie était un grand sportif. Il faisait du soccer, de la course à pied, du parachute. Étudiant en soins infirmiers au cégep, il avait plein de projets ! Il a été difficile pour lui d’accepter sa maladie.
Si l’information avait davantage circulé au sujet de l’épilepsie, peut-être que Jérémie aurait été plus enclin à s’ouvrir à ses amis ? Peut-être aurait-il mieux vécu avec son diagnostic ? Peut-être serait-il encore vivant aujourd’hui si on avait su qu’il pouvait mourir d’épilepsie ? Si nous nous étions procuré un oreiller « anti-étouffement », un moniteur… Si, si, si.
C’est avec l’espoir d’informer et de sensibiliser les gens que je vis. Jérémie sera dans mon cœur à tout jamais. Je n’ai pas de pouvoir sur le passé : je dois vivre avec cette réalité. Mon souhait est de mettre au grand jour cette maladie méconnue.
Si l’information qui circule est plus précise et brosse un portrait réel des conséquences possibles, j’aime croire que des drames comme le mien pourront être évités. C’est mon plus grand souhait.
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