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L’éditorial : Et si on s’intéressait enfin aux personnes âgées

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personne agée

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Photo : Getty Images

On ne choisit pas de gaieté de cœur de faire admettre une personne que l’on aime dans un CHSLD. La laisser là, seule dans une chambre anonyme, est une expérience d’une douleur indicible.

Les CHSLD ont si mauvaise réputation… Et la pandémie de COVID-19 n’a pas amélioré leur image. En 2020, près de 40 % des 10 000 personnes décédées des suites de cette maladie vivaient dans ces établissements. Une hécatombe qui mérite des explications – après son enquête, échelonnée sur 60 jours d’audience, la coroner Géhane Kamel remettra son rapport cet été. Tous ont hâte de connaître les tenants et aboutissants de ce dérapage.

On a déjà fait tout un plat de la qualité des repas servis aux résidants des CHSLD. Et on a raison de s’indigner devant une soupe à l’eau ou des hot-dogs réchauffés trois fois au micro-ondes. Mais que dire des soins bâclés par des préposés débordés ? Des chambres si petites que personne ne peut y circuler (surtout pas avec un déambulateur) ? Et des immeubles qui tombent en ruine ?

Voilà pourquoi, en 2018, le gouvernement caquiste annonçait en grande pompe la construction des maisons des aînés – les premières devraient ouvrir à la fin de 2022. Elles seront, ces maisons, plus conviviales que les sombres CHSLD. D’ailleurs, les esquisses présentées aux médias évoquent des tout-inclus de Punta Cana ! Ça fait presque rêver.

« Ce n’est pas [dans] du béton qu’on investit. On investit dans les soins, les services et la dignité envers nos personnes âgées », déclarait à La Presse la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, en octobre dernier.

Cette initiative est louable, mais surtout nécessaire. Et on devrait s’assurer que les bottines suivent les babines. Les personnes âgées ont trop souvent été négligées dans les politiques gouvernementales.

Je tiens ici à exprimer un souhait. Qu’il porte le nom de CHSLD ou de maison des aînés, le dernier lieu de vie de nos proches doit être ouvert à la collectivité. Qu’on arrête d’en faire des mouroirs sans âme !

Qu’on les ouvre aux organismes communautaires, aux centres de la petite enfance et aux écoles primaires et secondaires pour favoriser les échanges entre jeunes et vieux. Pourquoi ne pas les convier ensemble à des ateliers d’art, de musique ou de cuisine ? Pourquoi ne pas offrir des crédits aux étudiants du cégep ou de l’université en échange d’heures de bénévolat dans les maisons pour aînés ?

La vieillesse est un tabou persistant. On ne la regarde pas en face, parce que la déchéance physique ou intellectuelle qui l’accompagne effraie. Les jeunes Québécois devraient y être sensibilisés tôt dans leur vie. Pour que notre société soit enfin inclusive envers le quatrième âge.

Prendre soin de quelqu’un en perte d’autonomie reste une tâche lourde, pénible et contraignante. C’est vrai. Mais s’y glissent, entre la peine et le découragement, des moments de joie et de grâce. Cette relation, qui se tisse avec quelques brins de réconfort et de tendresse, a l’étoffe des plus belles histoires d’amour. C’est une rencontre intense entre des humains qui ont laissé tomber les masques.

La société québécoise vieillit à la vitesse grand V. « Dans 20 ans, les gens de plus de 75 ans composeront 16 % de la population, près du double d’aujourd’hui. Cela semble peu ? Au contraire : 1,5 million de têtes grises, dont beaucoup requerront des soins spécialisés, ça risque de frapper durement. D’autant que, du nombre, 500 000 auront plus de 85 ans », peut-on lire dans notre reportage «­­ Un Québec enfin fou de ses aînés ? » dans notre numéro mars/avril (en kiosque).

On a une responsabilité collective envers les aînés en perte d’autonomie. On doit les sortir de leur isolement ! Il est aussi impératif de s’attaquer aux préjugés et à l’ignorance qui entourent leurs réalités. Châtelaine apporte sa contribution avec un reportage qui aide à mieux saisir les enjeux des CHSLD. Le résultat est très éclairant. C’est à lire, que vous ayez 35 ou 75 ans ! Cela risque même d’ébranler quelques-unes de vos convictions…

Johanne Lauzon, rédactrice en chef

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