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Tête-à-tête avec Chantal Lamarre

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Chantal Lamarre

On dit souvent de moi que je suis…
Rigolote. Et c’est une étiquette qui me plaît bien, même si je l’ai déjà trouvée réductrice, peut-être parce que je suis comédienne de formation et que je ne cherchais pas à être drôle au départ. Mais je réalise aujourd’hui que c’est un mot qui évoque plein de choses que j’aime, et je trouve ça fantastique de ne pas avoir perdu ça au fil du temps, même si je ne suis pas humoriste. Dites-le encore quand j’aurai 80 ans, et je serai ravie! [Rires]

Trois mots qui me définissent
Réfléchie, malgré les apparences de « fofolle » et d’extravertie. Rebelle. Fantaisiste.  Ce dernier terme est complètement désuet, je sais, mais pourquoi ne pas le remettre au goût du jour ?

Une passion qu’on ne me connaît pas
Chiner, bricoler, transformer les choses. Je fais un métier où la shop – surtout mentale­ – ne ferme jamais. Que ce soit pour une chronique ou une nouvelle émission, j’ai toujours les quatre ronds de poêle allumés. Alors, j’adore prendre un moment pour moi, pour dénicher une antiquité et la transformer, par exemple.

Un projet que j’aimerais faire avant de mourir
Quand on était en pleine pandémie et qu’on communiquait seulement de façon virtuelle, on trouvait sur Internet des communautés d’esprit avec lesquelles on a des accointances. C’était une période pendant laquelle j’avais juste envie de tremper mes pinceaux dans de la couleur ! Ce n’est pas quelque chose que j’ai besoin de réaliser avant de mourir, mais j’avoue que j’ai alors rêvé d’un projet avec un collectif de femmes artistes qui m’inspirent !

Si je n’avais pas été comédienne…
J’aurais peut-être eu un atelier. Je m’imagine y entrer à l’aube et ne pas voir le temps passer. Travailler la céramique. Je me revois à 12 ans quand je pouvais aisément être seule pendant des heures. Même ado, je n’avais pas tant le tempérament pour la scène… Alors, ça aurait vraiment pu être ma voie, je pense.

Le film qui a changé ma vie
Beaucoup d’œuvres m’ont transformée au fil du temps, mais je dirais West Side Story (Jerome Robbins et Robert Wise, 1961), qui est l’adaptation cinématographique de la comédie musicale de Broadway. C’est  la transposition dans la transposition qui m’intéresse le plus. Partir de la tragédie de Roméo et Juliette, la transposer en plein cœur d’un phénomène de société violent, celui des gangs de rue, et arriver à en faire une œuvre magnifique… Dense et long, mélo, quétaine. Il y a tout ce que j’aime là-dedans.

Le plat que je cuisine le mieux
Mon Dieu… Je fais une bonne blanquette de veau, un tajine au citron confit… Et vous allez dire que c’est difficile à manquer, mais j’ai l’impression que ma morue portugaise est toujours meilleure que la dernière. [Rires] Quand je cuisine quelque chose, j’y mets beaucoup d’amour et de soin !

Le livre qui m’a le plus marquée
Le Rapport Hite, de la grande féministe et sexologue Shere Hite (Robert Laffont). En colligeant une multitude de témoignages de femmes sur leur vie sexuelle pendant les années 1970, elle nous donnait, finalement, tous les cas de figure. Il n’y a pas deux corps pareils. Il y a plusieurs façons de vivre l’amour. Être attirée par un homme plus vieux que soi, ça peut arriver… Je me rappelle en avoir apprécié chaque page, malgré mon jeune âge. Elle m’a ouvert les yeux, apporté un éclairage, une paix. J’ai eu la chance d’avoir ça plutôt qu’Occupation double !

Une phrase qu’on m’a dite qui me revient souvent
Les phrases qui nous frappent sont soit celles qui nous piquent au vif parce qu’elles sont insultantes, soit celles qui nous flattent grandement. Quand j’étais à l’université, on répétait une pièce un soir et je suis entrée dans une sorte de transe, complètement sortie de mon corps pour ne pas m’endormir… Le professeur m’a lancé : « Hey maudit, toi ! Je sais bin pas quelle est ta place dans la vie… Mais il y en a une pour toi ! » Ce n’était ni « Tais-toi, maudite niaiseuse » ni « Tu es la plus grande actrice de ta génération »… J’ai ri et c’était parfait pour moi.

L’artiste qui m’émeut le plus
Le dramaturge Michel Marc Bouchard, qui est capable, comme les créateurs de West Side Story, de mettre toutes les couches les unes par-dessus les autres : aller chercher la catharsis par les douleurs, le conflit, l’amertume que la vie peut nous donner, en n’oubliant pas l’onirique. Quel être complet !

Une odeur dont je raffole
J’aime sentir le pain, ça me ramène à mon enfance à La Prairie. Je me revois passer devant la boulangerie Lussier à bicyclette. Parfois, le boulanger sillonnait aussi les rues avec son camion, et ma mère me demandait alors d’aller chercher un dessert… Ça sentait le pain dans toute la boîte du camion.

Le parfum que je porte
J’ai toujours, toujours, toujours changé de parfum tellement la parfumerie m’intéresse. Je me mettrais le nez dans toutes les bouteilles et j’en boirais si je le pouvais ! Mais il y a quand même une odeur qui est plus spéciale que les autres pour moi : très « madame au manteau de fourrure ». Mes tantes chics le portaient. Et pour cette raison, même si c’était très capiteux, j’aimais toujours en avoir une bouteille. Le jour où l’on m’a dit au magasin que ce parfum n’existait plus, j’ai eu un petit choc.

Un talent que j’aurais aimé avoir
Être un nez. [Rires] Me promener dans les champs de fleurs, me dire que je pourrais ajouter juste un petit peu de coriandre… Être créatrice de parfums.

Les circonstances dans lesquelles j’ai les meilleures idées

Quand il ne me reste plus de temps. Je suis alors paralysée, j’ai l’impression d’être à sec. Mais dans le mouvement, à la dernière minute, après m’être posée, les idées jaillissent.

La personne qui me touche le plus au monde
Il y a mes deux enfants, de toute évidence. Je les trouve tellement plus intéressants que moi à leur âge. Et je dois dire que mon chum m’émeut beaucoup aussi. Fait fort, intelligent, vaillant, avec le cœur à la bonne place et qui ne laisse pas tomber ses idées, tout en s’impliquant pour aider les autres… Il est bien plus qu’un acteur. [NDLR: son conjoint est le comédien Michel Laperrière, également vice-président de l’Union des artistes.]

J’ai besoin…
De l’artisanal. Si j’étais dans une grosse affaire hollywoodienne, par exemple, entourée de gens à n’en plus finir, je m’éteindrais. Il y a toujours une partie de « gossé à la main, collé avec du tape électrique » dans mes projets. J’ai besoin de garder ce contrôle. Je me sens privilégiée… De travailler depuis si longtemps avec la même petite équipe à Infoman. Ça me donne justement la liberté dont j’ai besoin. C’est exceptionnel.

J’aimerais que les gens se souviennent de moi comme de quelqu’un…
De bien, qui était droit, no bullshit.

 

Chantal Lamarre est à la barre de l’émission Culturama à ICI Artv, qui met en lumière des aspects méconnus d’œuvres d’ici et d’ailleurs. Elle continue également d’être de la grande aventure d’Infoman, à ICI Radio-Canada Télé.

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