La performance me fascine. Cette façon de vouloir à tout prix performer en faisant abstraction de tout ce qui est important me trouble. Je ne sais pas si mes origines maghrébines et les valeurs qu’on m’a transmises sont responsables de cette dichotomie que je ressens en tant que travailleur en Amérique du Nord.
Chose certaine, je vis constamment cette dualité entre la performance qu’on exige de moi et les valeurs qu’on a incrustées en moi depuis des générations. J’avoue bien humblement ne pas savoir comment composer avec cette dualité. Je ne sais pas ce qui est préférable, souhaitable ou même logique. J’essaie seulement de trouver un équilibre entre ce que je suis profondément et ce qu’on attend de moi.
Je jongle avec des différences culturelles au quotidien. Mes références sont parfois tout autres que celles des gens de mon entourage.
La gestion du temps n’est pas universelle. Il y a des différences dans le monde. J’ai la chance de voyager beaucoup pour mon travail et je constate que l’heure n’a pas la même réalité selon l’endroit où l’on se trouve sur la planète. Dans certains coins du monde, comme le sud de l’Italie (la Sicile) ou encore près du désert (sud du Maroc), l’heure, c’est très relatif, une approximation de la journée et des mentions plutôt vagues qui indiquent le matin, l’après-midi et le soir. On mange quand on a faim. On se couche quand on est fatigué, et il n’y a pas d’heure précise pour l’ouverture d’un magasin. Sur la porte, on peut simplement voir : « On va ouvrir quand on va se lever. » Imaginez comment ces gens n’ont pas de pression !
Et pour les clients, même chose. Si tu passes devant une boutique et qu’elle n’est pas ouverte, pas de stress, tu continues ton chemin et tu repasses plus tard. Ce concept me paraît impensable en Amérique du Nord. Ici, le temps est la base de notre quotidien. La course chaque matin pour ne pas arriver en retard au travail, l’heure des repas imposée, l’heure des réunions. Ici, l’heure nous met une pression constante sur les épaules.
Bref, l’heure est omniprésente et dirige à peu près tout. Le temps, c’est de l’argent, comme le disait Benjamin Franklin !
Dans certains pays, notamment en Orient, on célèbre la mort d’un aïeul en prenant un temps d’arrêt pour pleurer en famille la perte d’une grande richesse et de savoirs. Il y a tout un respect autour de la mort. Ici, quand tu apprends la mort d’un proche, ce temps d’arrêt est à peine permis. The show must go on. Dans bien des cas, tu auras une journée de congé pour vivre ton deuil. Si c’est un parent proche, tu pourras pleurer trois jours ! Mais reviens vite. On ne peut pas trop arrêter la production.
Ces exemples se situent à la base même de notre quotidien et ils sont assez évidents, j’en conviens. Mais ne sont-ils pas le point de départ de bien des angoisses ? Ces jeunes qui évoluent dans notre société et qui imitent les comportements de leurs parents et de leurs pairs, ces jeunes qui n’ont pour modèle que notre quête d’efficacité et notre course effrénée contre le temps, s’est-on déjà demandé d’où leur vient cette anxiété de performance ? Il serait peut-être temps qu’on se pose la question…
Mehdi Bousaidan est actuellement en tournée un peu partout au Québec avec Demain, son premier spectacle d’humour.
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