L’histoire
« Si la police ne peut rien pour vous, n’hésitez pas à faire appel à moi. » Cette petite annonce a été placée sur Internet par un ex-journaliste iranien, réfugié clandestin en Suède, qui s’improvise détective. Une mère dont la fillette a disparu fait appel à lui. Pourquoi refuse-t-elle de contacter les policiers ? Pourquoi accepte-t-il d’arpenter Stockholm et ses banlieues au risque de se faire repérer ? Entre le jeune homme traqué et la femme fragilisée se noue une relation de confiance, laquelle éclairera les zones obscures.
Les personnages
Kouplan, 25 ans, allure de gamin. Depuis trois ans à Stockholm, attend son permis de séjour. Vit dans la hantise d’être découvert et renvoyé chez lui, en Iran, où il risque la mort. Son arme infaillible : l’intuition. Pernilla, 40 ans, bouleversée par la disparition de sa fille. Fuyante, porte en elle des blessures du passé. Julia, 6 ans, enfant « singulière ». Tor, pasteur, confident de Pernilla. Rachid, compatriote de Kouplan, qui le seconde dans ses recherches. MB, chef mafieux, à la tête d’un réseau de trafic d’êtres humains.
On aime
L’intrigue astucieusement menée. Les nombreuses allées et venues de Kouplan dans différents quartiers, permettant d’observer le Stockholm d’aujourd’hui et sa cohorte d’immigrés. La richesse des personnages. La prose enlevante de l’auteure nous poussant à tourner les pages sans s’arrêter jusqu’à la toute dernière.
L’auteure
Sara Lövestam est née en 1980 à Uppsala. Militante LGBT, chroniqueuse au magazine gai QX, Sara Lövestam a longtemps enseigné le suédois aux immigrés. Elle reçoit le prestigieux prix du Swedish Book Championship pour son premier roman, Différente (Actes Sud, 2013). Chacun sa vérité, son quatrième livre, a été récompensé par le prix de l’Académie suédoise des auteurs de polars 2015 à la grande surprise de l’auteure. « Je n’avais pas l’impression d’avoir écrit un polar », confiait-elle. Bonne nouvelle : on retrouvera l’irrésistible détective dans le deuxième volet de la tétralogie Kouplan annoncée.
Robert Laffont, traduit du suédois par Esther Sermage, 304 pages. En librairie le 19 janvier
POUR LIRE UN EXTRAIT DU ROMAN CHACUN SA VÉRITÉ
J’ai aimé : Tout en respectant les conventions du genre, ce roman policier en réinvente plusieurs aspects à partir d’une prémisse originale. Les personnages principaux sont attachants ; leur petit côté « tordu », propre à ce style, est tout en nuances. C’est un ouvrage à l’écriture fluide et qui se lit rapidement.
J’ai moins aimé : Je m’interroge beaucoup sur ce qui a besoin d’être dit ou non… Plus le roman avance dans l’exploration de la traite d’enfants et de femmes, plus les détails deviennent crus. Je suis encore en train de me demander si j’avais besoin de le lire. Un peu trop pour mon cœur de mère, sans doute.
Autres commentaires : Un bon roman policier nous présente habituellement de mauvaises pistes pour un seul et unique crime bien campé. Dans ce roman, on nous propose l’inverse. Tout repose sur une mauvaise prémisse initiale, sans toutefois jamais remettre en question l’information et les probabilités qui en découlent. C’est assez différent comme approche et ça mérite d’être souligné.
Ma note sur 10 : 8
J’ai aimé : Le fait qu’on s’éloigne des stéréotypes à tous points de vue – dans les polars, on nage souvent dans les clichés ! Le personnage principal est extrêmement attachant dans toute sa naïveté, sa sensibilité, son courage, sa gaucherie et son intelligence. Le monde de l’immigration et des réfugiés en particulier est décrit d’une façon directe, réaliste et touchante. On sent bien la peur, la faim, l’inconnu, et les déchirements entre la nostalgie et l’envie de repartir à zéro. J’ai particulièrement aimé le passage du repas chez les compatriotes. Les thèmes de la maternité et de la maladie mentale sont abordés avec beaucoup de délicatesse et de tendresse.
J’ai moins aimé : L’intrigue est somme toute assez mince et se déploie d’une façon un peu magique, ce qui nuit à sa crédibilité. Le style, d’une simplicité désarmante, peut sembler pauvre. On nous amène à nous intéresser à certains personnages ou pistes, puis on les abandonne. (Le frère, qu’est-ce qui lui est arrivé ? L’ami Rachid ? Dans quelles circonstances leur fuite a-t-elle eu lieu ? Qui est cette famille qui héberge Kouplan ?) Cela m’a franchement laissée sur ma faim. Et finalement cette chute spectaculaire qui n’a pas vraiment d’autre intérêt que de montrer que personne n’est jamais ce que l’on croit. Mais ça, on le savait déjà.
Ma note sur 10 : 7
J’ai aimé : C’est un roman facile à lire, les personnages sont attachants et l’intrigue réussit à retenir notre attention sans pourtant être un véritable suspense. Les deux personnages principaux – le détective et la mère à la recherche de sa fille – présentent une solitude et une vulnérabilité palpables durant tout le récit.
Je n’ai pas aimé : Il manque parfois des descriptions ou des détails pour qu’on puisse vraiment se sentir dans le décor du récit. Le pays, ses habitants, l’architecture et les autres personnages de l’histoire ne sont qu’effleurés, ce qui fait qu’on reste spectateur, on ne se sent pas complètement impliqué dans l’histoire. Peut-être que c’est voulu et que c’est une façon de voir le pays dans les yeux d’un étranger (le détective). Ou alors l’auteure nous réserve des détails pour les autres romans de la série…
Ma note sur 10 : 8
J’ai aimé : Dès les premières pages, on partage la paranoïa de Kouplan, ce détective qui ne doit pas exister réellement, illégal, étranger dans Stockholm, société à laquelle il entend bien s’intégrer en observant ce que les autres croient ne pas voir ! On se surprend à faire comme lui, lorsqu’il parle à son corps pour ne pas que son cœur explose et que sa respiration s’emballe quand il croise un policier. Il est engagé par une maman qui a perdu sa fille dans un centre commercial. « Qui a vu la petite fille ? Vous savez une petite fille qui pourrait avoir sept ans ? Non, il y a tellement d’enfants ici. Oui, on l’a vue ! Vraiment ? Avec un homme avec un gros nez ? » Contre toute attente et toute vraisemblance, Kouplan réussit à recueillir des témoignages qui lui donnent espoir de la retrouver. Pourquoi la maman ne fournit-elle pas un même effort de recherche, avec ces émotions fortes qu’elle doit nécessairement ressentir ? L’écriture de l’auteure, empreinte d’images colorées et parfois surprenantes, sert magnifiquement l’ambiance d’étrangeté et d’incrédulité dans laquelle baigne l’enquête de Kouplan. Derrière les réalités banales du quotidien des gens d’une grande ville que le détective questionne se cachent des sorts complexes et des drames humains. Et s’il avait raison de ne pas se fier aux apparences et aux évidences ?
Je n’ai pas aimé : Si j’ai dévoré la première moitié du roman, surprise d’être aussi accrochée, j’ai ralenti le rythme lorsque la petite fille trouve une voix, amenant un côté morbide, sordide, au récit, puis créant un doute, un déséquilibre devant l’issue de l’enquête qui se dessine lentement, mais sûrement. Et si, finalement, tout était bien qui finit bien ?
Ma note sur 10 : 7,5
J’ai aimé : Enfin un roman policier où le détective n’est pas un alcoolique désabusé avec des problèmes conjugaux ! Le changement de perspective qu’apporte Kouplan, le détective illégal, donne un souffle nouveau à un genre qu’il est souvent difficile de réinventer. En plus, ce livre passe le test ultime pour un roman policier : un excellent punch que je n’ai absolument pas vu venir !
J’ai moins aimé : Ce n’est peut-être pas le roman le plus haletant dans le genre, mais ce qu’il perd en suspense, il le gagne en originalité.
Autres commentaires : À lire pour toutes les âmes sensibles qui aiment les intrigues, mais qui ne supportent pas les corps qui s’empilent derrière un meurtrier sanguinaire.
Ma note sur 10 : 8
J’ai aimé : Un polar addictif comme je les aime : des personnages remplis de zones d’ombre, une intrigue bien ficelée, un rythme soutenu, un style dynamique et accrocheur. J’ai aimé découvrir cette Suède bigarrée à travers les yeux de ce jeune détective iranien sans-papiers. La principale originalité de ce polar tient à ce qu’il n’y ait pas de policier neurasthénique porté sur la bouteille au premier plan, mais plutôt un jeune immigré clandestin sans le sou. L’intrigue m’a tenue en haleine du début à la fin. Bonne joueuse, je n’ai rien vu venir du dénouement.
J’ai moins aimé : Il y a bien quelques coïncidences tirées par les cheveux, mais je suis vite passée par-dessus !
Autres commentaires : Je me suis détournée des polars scandinaves depuis un certain temps. Saturée. Le roman de Sara Lövestam apporte un vent de fraîcheur et de renouveau sur cette Suède littéraire surexploitée. Nul doute, je serai au rendez-vous pour suivre les prochaines enquêtes de Kouplan.
Ma note sur 10 : 8
J’ai aimé : Les personnages en marge, qui sont tous hors normes, en quête d’identité ou de sens dans leurs vies bringuebalantes. L’intrigue est finalement beaucoup moins cousue de fil blanc qu’elle peut en avoir l’air au départ. J’ai été agréablement surprise par les rebondissements et les révélations sur la vie des personnages ; des chemins sinueux qui s’éclairent peu à peu. Ce sont des bribes d’histoires qui s’imbriquent les unes dans les autres et qui révèlent, au final, un casse-tête bien plus complexe qu’il ne le paraît.
J’ai moins aimé : Le style d’écriture m’a semblé un peu léger, parfois convenu, on sent les codes du genre.
Autres commentaires : C’est un roman qui se lit très bien. Par contre, comme c’est le début d’une série, il va falloir attendre un moment avant d’en savoir plus…
Ma note sur 10 : 7,5
J’ai aimé : Que l’on n’ait pas affaire à un détective corrompu ou aux méthodes brutes, mais plutôt à un jeune détective empreint de douceur et aux tactiques plus communes. La façon dont l’auteure décrit la détresse de Pernilla et les étapes du chagrin comme la culpabilité, les remises en question et le besoin de tourner son esprit vers des tâches qui l’empêchent de penser. Le suspense de l’histoire, de même que le passé de Pernilla, qui nous tiennent en haleine jusqu’à la fin.
J’ai moins aimé : Je n’aime pas les histoires d’enfants enlevés et séquestrés, c’est sinistre et malheureux, mais le courage de Julia face à tout est prenant.
Ma note sur 10 : 9
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